FEMME CHERCHE IDENTITÉ ARTISTIQUEMENT...
Et si les femmes étaient autre chose que les mères porteuses de l'art ? Autre chose qu'un bestiaire de modèles dans des ateliers d'artistes qui posent "au féminin" sous l’œil du peintre "animal lecteur", qui dissèque tour à tour la vierge, la mère, la galante, la reine, la vieille, la servante, la danseuse.
"Serial painter" que l'homme, seul à tracer l'image de la femme dans son ordre symbolique.
A contrario, Braque nous dit : "Je ne peins pas une femme, je peins un tableau" !...
Alors, si les femmes relevaient le défi de projeter leur propre image sur un tableau, une photo ou dans la sculpture, serait-elle si différente ?
Il est vrai que les exemples de femmes-artistes n'étaient pas légion jusqu'il y a peu.
De Madame Vigée-Lebrun, poudrée, enrubannée, à Berthe Morisot, parfaitement maternante, modèle social attendu, qui n'allait au Louvre qu'accompagnée par sa mère..., il fallut attendre 1881 pour que Hélène Bertaux crée "L'Union des femmes peintres et sculpteurs" suivie de leur entrée à l'Ecole des Beaux-Arts.
Mais de quelle façon allait-on y entrer ? En amenant une esthétique féminine de bon aloi, déjà codifiée, ou en retournant sa veste comme Rosa Bonheur qui avait d'ailleurs déjà obtenu le droit de porter la culotte... L'espace d'expression de la femme-artiste pour se raconter publiquement et exposer sa propre image est-il si limité et si caricatural ? Fallait-il s'inscrire dans la tradition des Beaux-Arts pour le Beau Sexe ?
De l'artiste femme-victime, Camille Claudel, à l'artiste femme-rebelle, Frida Kahlo, nous dessinons les mêmes schémas... La femme-artiste trace-t-elle sur elle-même des canons nouveaux, des représentations picturales, des postures sociales différentes ? Aurait-elle peint avec le même regard la passivité des femmes algériennes d'un Delacroix ou y aurait-elle vu autre chose nous éclairant sur leur condition ?
Notre contemporaine Shadi Ghadirian, photographe iranienne, ose le tchador, flanquée d'un ustensile de cuisine en guise de visage, pour dénoncer un conditionnement idéologique ; de même que sa compatriote Mehraneh Atashi, qui photographie des hommes dénudés dans un centre de sport interdit aux femmes, tout en s'arrangeant, grâce à un jeu de miroirs, pour apparaître sur la photo, parfaitement voilée.
Message compris... L'arbre cache la forêt...
Par contre, la nostalgie habite une autre femme photographe, Désirée Dolron, qui a cherché longtemps dans les rues de Rotterdam... une dame... dont la ressemblance avec un modèle de Petrus Christus (1460) a permis l'élaboration d'un "portrait-photo" à la rigueur tout autant calviniste, image immuable, statique, figée de la femme éternelle.
A côté de l'icône souveraine, hors d'atteinte, une vision tout autant attendue de la "femme aux multiples facettes" est déclinée par Cindy Sherman qui s'auto-photographie tour à tour en star, clown, vierge, grimée, accessoirisée. Mais pour qui se prend-elle ? Justement, son petit miroir aux alouettes nous interroge sur la femme-artiste post-moderne face à ses multiples soi-mêmes... Tout comme Annette Messager évoquant la maltraitance avec ses poupées désarticulées, ses tricots pour oiseaux morts... Broderie... Tricots... Matières féminines détournées...
Et si Niki de Saint-Phalle s'obstine à "sculpter-gonfler" ces femmes aux corps de déesses archaïques se promenant dans une fête foraine – outrance de femme –, il est des peintres comme Aurélie Nemours (entre autres) qui se "réfugient" dans l'abstraction, peut-être pour éviter le sujet, leur sujet...
Mais dirait-on cela d'un homme ? En tout cas, l'exposition DIONYSIAC (Centre Pompidou, 2005) n'a montré aucune œuvre de femmes, provoquant une vaste protestation... Cherchez la FEMME !
Sur cette question du genre, des couples d'artistes ont joué de la place respective de la Femme respectant l'état civil ; F = Sonia Delaunay, H = Robert Delaunay. Mais Jean Arp et Sophie Taeuber ont brouillé les cartes en ne signant pas certaines œuvres..., déconditionnant ainsi tout repérage sexué, faisant la nique à tous les "Gender Studies" ; courant d'art du temps ; courant d'air des temples !
Au musée, donc au "temple des muses", on décline chronologiquement la femme à la carnation d'icône. Beauté don de Dieu, rayonnante et cosmique, puis on la scénarise tout en mouvement, captant les lumières (du siècle) jusqu'à son jupon et son escarpolette. Puis on projette chair contre chaire l'arrogante gorge bourgeoise ou le nu provocant et interrogateur d'une Olympia ou d'une Leda... Mais toutes ces Belles au Bois Dormant sont peintes par des hommes, jusqu'à ce petit bout de mur en Sorbonne 1968 : "Jeunes femmes rouges toujours plus belles" !...
Et elles, qu'en pensent-elles ? Qu'en "peignent-elles" ?
Quand Roland Barthes nous dit que "toute œuvre doit être filiale", que fait donc la femme-artiste à propos de sa propre image ?
De maigres exemples retenus par l'histoire nous laissent à penser que la production artistique féminine a existé mais qu’elle a été occultée, souvent reléguée au rang de "cousettes de l'art", les femmes travaillant dans les ateliers de leur père. Cependant, quelques-unes ont été retenues par l'histoire de la peinture, telle Artemisia Gentileschi. Son regard sur la femme nous intéresse ici, tel que dans son tableau Suzanne (effrayée) et les vieillards (lubriques) ou son Autoportrait en Allégorie de la peinture (1630) où elle apparaît ornée d'un pendentif en forme de masque dont la bouche est bandée...
Il y a aussi Marie-Guillemine Benoist, élève de Madame Vigée-Lebrun, qui peindra Portrait d'une négresse : provocation émancipatrice bien qu'à la fin de la Révolution française, et qui sera obligée d'abandonner sa carrière lorsque son mari sera nommé ministre sous la Restauration.
Alors, ces corps de femmes qui donnent la vie peuvent-ils aussi donner leur avis sur elles-mêmes ? Reproduction ! Reproduction ?...
Et pour "compléter le tableau", demandons à une artiste de peindre la tête manquante (et pensante) de la Naissance du monde de Courbet !...
Femme, bien dans son corps, bien dans sa tête !
Pourtant, nous pouvons aussi dire avec Irène Théry (sociologue) qu'aucun d'entre nous n'est enfermé dans un sexe, que seul notre itinéraire compte... Alors, pas de ghettoïsation de la moitié de l'humanité... A vos œuvres, citoyens !
EN ART, NI FEMMES, NI HOMMES !
Et comme le disait Giacometti : "C'est le bronze qui a gagné."
Adeline DENIS AMAR
Et si les femmes étaient autre chose que les mères porteuses de l'art ? Autre chose qu'un bestiaire de modèles dans des ateliers d'artistes qui posent "au féminin" sous l’œil du peintre "animal lecteur", qui dissèque tour à tour la vierge, la mère, la galante, la reine, la vieille, la servante, la danseuse.
"Serial painter" que l'homme, seul à tracer l'image de la femme dans son ordre symbolique.
A contrario, Braque nous dit : "Je ne peins pas une femme, je peins un tableau" !...
Alors, si les femmes relevaient le défi de projeter leur propre image sur un tableau, une photo ou dans la sculpture, serait-elle si différente ?
Il est vrai que les exemples de femmes-artistes n'étaient pas légion jusqu'il y a peu.
De Madame Vigée-Lebrun, poudrée, enrubannée, à Berthe Morisot, parfaitement maternante, modèle social attendu, qui n'allait au Louvre qu'accompagnée par sa mère..., il fallut attendre 1881 pour que Hélène Bertaux crée "L'Union des femmes peintres et sculpteurs" suivie de leur entrée à l'Ecole des Beaux-Arts.
Mais de quelle façon allait-on y entrer ? En amenant une esthétique féminine de bon aloi, déjà codifiée, ou en retournant sa veste comme Rosa Bonheur qui avait d'ailleurs déjà obtenu le droit de porter la culotte... L'espace d'expression de la femme-artiste pour se raconter publiquement et exposer sa propre image est-il si limité et si caricatural ? Fallait-il s'inscrire dans la tradition des Beaux-Arts pour le Beau Sexe ?
De l'artiste femme-victime, Camille Claudel, à l'artiste femme-rebelle, Frida Kahlo, nous dessinons les mêmes schémas... La femme-artiste trace-t-elle sur elle-même des canons nouveaux, des représentations picturales, des postures sociales différentes ? Aurait-elle peint avec le même regard la passivité des femmes algériennes d'un Delacroix ou y aurait-elle vu autre chose nous éclairant sur leur condition ?
Notre contemporaine Shadi Ghadirian, photographe iranienne, ose le tchador, flanquée d'un ustensile de cuisine en guise de visage, pour dénoncer un conditionnement idéologique ; de même que sa compatriote Mehraneh Atashi, qui photographie des hommes dénudés dans un centre de sport interdit aux femmes, tout en s'arrangeant, grâce à un jeu de miroirs, pour apparaître sur la photo, parfaitement voilée.
Message compris... L'arbre cache la forêt...
Par contre, la nostalgie habite une autre femme photographe, Désirée Dolron, qui a cherché longtemps dans les rues de Rotterdam... une dame... dont la ressemblance avec un modèle de Petrus Christus (1460) a permis l'élaboration d'un "portrait-photo" à la rigueur tout autant calviniste, image immuable, statique, figée de la femme éternelle.
A côté de l'icône souveraine, hors d'atteinte, une vision tout autant attendue de la "femme aux multiples facettes" est déclinée par Cindy Sherman qui s'auto-photographie tour à tour en star, clown, vierge, grimée, accessoirisée. Mais pour qui se prend-elle ? Justement, son petit miroir aux alouettes nous interroge sur la femme-artiste post-moderne face à ses multiples soi-mêmes... Tout comme Annette Messager évoquant la maltraitance avec ses poupées désarticulées, ses tricots pour oiseaux morts... Broderie... Tricots... Matières féminines détournées...
Et si Niki de Saint-Phalle s'obstine à "sculpter-gonfler" ces femmes aux corps de déesses archaïques se promenant dans une fête foraine – outrance de femme –, il est des peintres comme Aurélie Nemours (entre autres) qui se "réfugient" dans l'abstraction, peut-être pour éviter le sujet, leur sujet...
Mais dirait-on cela d'un homme ? En tout cas, l'exposition DIONYSIAC (Centre Pompidou, 2005) n'a montré aucune œuvre de femmes, provoquant une vaste protestation... Cherchez la FEMME !
Sur cette question du genre, des couples d'artistes ont joué de la place respective de la Femme respectant l'état civil ; F = Sonia Delaunay, H = Robert Delaunay. Mais Jean Arp et Sophie Taeuber ont brouillé les cartes en ne signant pas certaines œuvres..., déconditionnant ainsi tout repérage sexué, faisant la nique à tous les "Gender Studies" ; courant d'art du temps ; courant d'air des temples !
Au musée, donc au "temple des muses", on décline chronologiquement la femme à la carnation d'icône. Beauté don de Dieu, rayonnante et cosmique, puis on la scénarise tout en mouvement, captant les lumières (du siècle) jusqu'à son jupon et son escarpolette. Puis on projette chair contre chaire l'arrogante gorge bourgeoise ou le nu provocant et interrogateur d'une Olympia ou d'une Leda... Mais toutes ces Belles au Bois Dormant sont peintes par des hommes, jusqu'à ce petit bout de mur en Sorbonne 1968 : "Jeunes femmes rouges toujours plus belles" !...
Et elles, qu'en pensent-elles ? Qu'en "peignent-elles" ?
Quand Roland Barthes nous dit que "toute œuvre doit être filiale", que fait donc la femme-artiste à propos de sa propre image ?
De maigres exemples retenus par l'histoire nous laissent à penser que la production artistique féminine a existé mais qu’elle a été occultée, souvent reléguée au rang de "cousettes de l'art", les femmes travaillant dans les ateliers de leur père. Cependant, quelques-unes ont été retenues par l'histoire de la peinture, telle Artemisia Gentileschi. Son regard sur la femme nous intéresse ici, tel que dans son tableau Suzanne (effrayée) et les vieillards (lubriques) ou son Autoportrait en Allégorie de la peinture (1630) où elle apparaît ornée d'un pendentif en forme de masque dont la bouche est bandée...
Il y a aussi Marie-Guillemine Benoist, élève de Madame Vigée-Lebrun, qui peindra Portrait d'une négresse : provocation émancipatrice bien qu'à la fin de la Révolution française, et qui sera obligée d'abandonner sa carrière lorsque son mari sera nommé ministre sous la Restauration.
Alors, ces corps de femmes qui donnent la vie peuvent-ils aussi donner leur avis sur elles-mêmes ? Reproduction ! Reproduction ?...
Et pour "compléter le tableau", demandons à une artiste de peindre la tête manquante (et pensante) de la Naissance du monde de Courbet !...
Femme, bien dans son corps, bien dans sa tête !
Pourtant, nous pouvons aussi dire avec Irène Théry (sociologue) qu'aucun d'entre nous n'est enfermé dans un sexe, que seul notre itinéraire compte... Alors, pas de ghettoïsation de la moitié de l'humanité... A vos œuvres, citoyens !
EN ART, NI FEMMES, NI HOMMES !
Et comme le disait Giacometti : "C'est le bronze qui a gagné."
Adeline DENIS AMAR
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